« Avec nos cheveux aplatis sur nos têtes par un long peigne arrondi, et nos nattes repliées et enfermées dans une résille noire, vous n’imaginez pas comme nos visages paraissaient durs. Et nous étions en effet dures les unes pour les autres, et malheureuses. Moi, du moins, j’étais malheureuse dans cette pension de province. Il me semble que dans ce temps-là j’avais toujours froid aux pieds et au bout des doigts ; j’étais une petite fille triste et taciturne. Ce que j’ai de gaîté ne m’est venu qu’avec mon premier amour de femme. Dans mon pensionnat du Jura, les maîtresses disaient que j’étais « en-dessous ». J’avais entendu parler de Rosa Kessler avant de la voir. C’était le soir de mon entrée. Elle était populaire, sans doute : des Moyennes parlaient d’elle avec des éclats de voix :
« Rôschen... Rôschen... »
Je me demandais comment ce nom s’écrivait. Puis je le vis écrit à la craie sur un tableau noir.
Je me souviens
De cette pluie salée
Odeurs de guimauves
Et ce temps qui court.